Après avoir expliqué que les masques de protection ne servaient à rien pour lutter contre la propagation du Covid-19, assuré que de toute façon le Français moyen ne saurait pas l’utiliser correctement, avoir annoncé un déconfinement progressif sous réserve d’une utilisation de masques grand public obligatoires, voilà qu’on apprend que ces masques seront distribués gratuitement non pas par l’État, mais par les mairies.
À charge pour elles de trouver la manière de les faire fabriquer ou à qui les acheter, les moyens financiers pour se les procurer, et la façon la plus adéquate pour les distribuer.
Une tâche ardue qui ne fait qu’accentuer les inégalités entre tous les Français, que le Covid-19 n’avait pas manqué de souligner jusque-là. Masques en tissu cousus par des ateliers éphémères, masques qui rétrécissent à la machine, masques créés par des lycées et des associations… les solutions B rivalisent parfois d’absurde les unes avec les autres.
L’État et sa vision du travail conjoint avec les maires
Le soir du 13 avril, dans sa déclaration télévisée, Emmanuel Macron déclarait :
« L’État, à partir du 11 mai, en lien avec les maires, devra permettre à chaque Français de se procurer un masque grand public. »
En date du 16 avril, nous révèle Science Avenir dans un article [1], l’Association des maires de France (AMF) était toujours en attente d’une procédure clairement établie concernant les modalités. Qui va payer pour les acheter ? Auprès de quels fabricants ? Quel modèle acheter et quelles quantités ? Comment les distribuer ? Et enfin : les Français vont-ils devoir payer de leurs poches ou non ?
D’après Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d’État à l’économie, les masques seraient distribués par l’État à partir du 4 mai. Et s’il est tout-à-fait possible que l’information soit confirmée par Édouard Philippe dans son intervention du 28 avril détaillant la procédure de déconfinement, la décision des mairies de tous bords de s’organiser par eux-mêmes en dit assez long sur leurs espoirs d’une action en lien avec l’État.
Cette organisation n’est pas sans rappeler celle des municipales, avec pour conséquence un effroyable taux de contamination des élus et citoyens volontaires [2] qu’on lui connaît…
Quand la crise du coronavirus révèle « la fracture municipale »
Il y a les mairies qui ont les moyens d’acheter des masques grand public à des entreprises privées, et il y a aussi celles qui doivent faire appel à la bonne volonté de leurs administrés.
À Cannes [3] par exemple, on distribue des masques alternatifs en tissu lavables et réutilisables, respectant la norme AFNOR S76-001. Ces masques ont été fabriqués par une manufacture cannoise (la MMERCI). Pareillement à Bordeaux [4] où la mairie assure avoir commandé 800 000 masques barrières issus d’une production locale privilégiée. Idem à Paris, Marseille, Lyon…
À Valence, on fait dans le masque à terminer à la machine, avec un modèle qui doit prendre sa forme finale seulement après avoir été lavé.
https://twitter.com/VilledeValence/status/1254128993655275520
Mais qu’en est-il de la mairie de Sainte-Colombe-en-Bruilhois (Lot-et-Garonne) ? Quid de celle de Montereau (Seine-et-Marne) ? Et que fait la mairie de Pia (Pyrénées Orientale) ? Elles font des appels à bénévolat… Partout en France, les petites mairies qui n’ont pas les ressources nécessaires à l’achat de masques grand public sont obligées de compter sur la solidarité et citoyenneté des couturiers locaux, des apprentis et professeurs en filière mode, et de tout habitant de bonne volonté. Uniquement de petites mairies ? Évidemment non : Lille ne se prive par exemple pas d’ouvrir un atelier éphémère [5] et de distribuer des kits de réalisation à une armée de petites mains – qui ne seront bien entendu pas rémunérées !
Cette question du bénévolat en temps « de guerre sanitaire » commence à faire grincer des dents, et différentes associations s’indignent [6], quand elles ne lancent pas des pétitions en ligne [7].
Mais, quelles que soient les solutions choisies par les mairies, et au-delà de la question de l’implication de chaque Français, se pose toujours celle de l’engagement de l’État ; un État qui ne peut cumuler une pénurie de masques évitable, comme le rappelait une excellente enquête de Radio France [8], et un abandon des villes et des communes rurales.
Sources :
[1] « Masques grand public : les mairies lancées dans une course contre la montre »: https://www.sciencesetavenir.fr/politique/masques-les-mairies-commandent-en-masse_143557
[2] « »Les élections municipales auraient dû être annulées » : ils ont été contaminés au coronavirus après avoir tenu des bureaux de vote » : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/les-elections-municipales-auraient-du-etre-annulees-ils-ont-ete-contamines-au-coronavirus-apres-avoir-tenu-des-bureaux-de-vote_3881061.html
[3] Ce que fait la ville de Cannes : http://www.cannes.com/fr/dossiers-cannes-com/annee-2020/coronavirus-covid-19/covid-19-distribution-de-masques-1.html
[4] Ce que propose la ville de Bordeaux : http://www.bordeaux.fr/p141368/des-masques-pour-chaque-bordelais
[5] « En mairie de Lille, un atelier éphémère pour «offrir des masques aux habitants» » : https://www.la-croix.com/France/En-mairie-Lille-atelier-ephemere-offrir-masques-habitants-2020-04-24-1301090961
[6] « Le masque barrière, un enjeu d’éducation citoyenne » : https://www.la-croix.com/France/En-mairie-Lille-atelier-ephemere-offrir-masques-habitants-2020-04-24-1301090961
[7] Pétition « MASQUES, BLOUSES, HOLD-UP SUR LE METIER DE COUTURIER.ERE »: https://www.change.org/p/minist%C3%A8re-de-l-%C3%A9conomie-masques-blouses-hold-up-sur-le-metier-de-couturier-ere
[8] « Pénurie de masques : les raisons d’un « scandale d’État » » : https://www.franceinter.fr/societe/penurie-de-masques-les-raisons-d-un-scandale-d-etat
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