Il aura fallu presque un an, plus de 32 mille morts, 600 mille cas avérés, un confinement et un camaïeu absurde de rouges pour comprendre l’essentiel : le coronavirus est le virus tueur de temps libre.
Le Medef et la Droite travailleuse sont en émois. Voilà enfin le remède ultime au chômage : une maladie qui ne vous touche que lorsque vous êtes en train de passer du bon temps.
Pour lutter contre cette pandémie travailliste, et pour sauver le secteur de la restauration et des loisirs, les mesures pleuvent : fermeture des bars et restaurants, interdiction de vente d’alcool à emporter, fin des rassemblements de plus de dix personnes.
Le Gouvernement est sur le coup, la maladie tremble, la France, elle, tousse.
Quand les bars et les restaurants n’étaient pas un problème cet été
Au sortir du confinement, tandis que chacune et chacun se promettait de créer un nouveau monde garni de champs des possibles, l’hypothèse d’une seconde vague était pourtant largement partagée.
Tous les graphiques prévisionnels étaient formels : si le déconfinement s’accompagnait d’un été festif et décomplexé, la seconde vague ne manquerait pas d’arriver en octobre/novembre[1] et serait plus violente encore. C’est ce que des scientifiques ont appelé la fall pick scenario, et l’information n’avait rien de cryptique.
Mais en même temps, il fallait redresser l’économie, rattraper les points de PIB que nous avions perdus et apaiser les esprits qui s’étaient échauffés, voire repolitisés, pendant le confinement. Et quoi de mieux que la plage, les barbeuc’ et les soirées mojitos ? On a donc laissé la France entière se déplacer pour profiter de leurs congés – pour la France qui en avait encore les moyens.
Se déplacer, consommer… et propager un virus qui nous avait pourtant valu un confinement quelques mois plus tôt. C’est ainsi que, progressivement, le Sud-Est, le Sud-Ouest et enfin le Nord-Ouest sont devenus des régions « à risque ».
Petit à petit cet été, les régions se paraient de rouge, à mesure que la circulation en stations balnéaires battait son plein.
En vacances, nous avons échangé nos numéros, nos gamètes et nos miasmes, partout sur les plages, bars et restaurants de France. Le tout, avant de rentrer dans nos pénates partager nos photos de doigts de pieds en éventail et nos futurs positifs au test covid.
Bouillon de culture en open-space
Fraîchement bronzés de nos congés, nous sommes retournés au travail avec la discipline chevillée au corps, les entreprises assurant que tout était préparé pour éviter la contagion, les transports en commun nous proposant de multiples affichettes pour qu’on maintienne nos distances.
Masques obligatoires, gel hydroalcoolique en perfusion, nous voici nous entassant dans les transports pour tenter d’être des personnes qui réussissent.
Alerte maximale à Paris, mais toujours silence radio sur les transports. Les images, une fois de plus, de la ligne 13 ce matin sont particulièrement inquiétantes. Monsieur @Djebbari_JB avez vous disparu ? Il faut agir avant que des gens ne meurent ! #COVID19 pic.twitter.com/hcXWThTloK
— Thomas Portes ✊ (@Portes_Thomas) October 5, 2020
Pendant que les lieux de loisir ferment un à un pour limiter la propagation, sur Twitter, ça ironise sur l’absence de mesures et de moyens. Entreprises qui continuent de faire venir leurs salariés (en les déclarant parfois en chômage partiel), écoles surpeuplées avec polémique sur les jupettes des filles, hôpitaux en demande de réanimation sévère, les accusations fusent avec la même rapidité que l’augmentation du taux de résultats positifs.
Les patrons quand ils vont lire « le télétravail privilégié plus que jamais » pour Paris et la petite couronne pic.twitter.com/5f0jACesFc
— Kiyémis (@ThisisKiyemis) October 4, 2020
Pendant ce temps, Marseille craint « degun »
Et, parce qu’il fallait bien que l’opposition Paris/Marseille continue plus loin dans le ridicule, nous apprenons que la ville décide, au lendemain du discours d’Emmanuel Macron sur les séparatismes, de faire sécession.
En plein bras de fer avec le Gouvernement sur la gestion régionale de l’épidémie, Marseille passe la vitesse supérieure et décide de se doter de son propre conseil scientifique pour, citons Samia Gahli via La Provence[2] :
« ne plus être dépendants des chiffres de scientifiques parisiens »
Et sans doute pouvoir continuer de garder les bars et restaurants ouverts, maintenant que ces fichus parisiens sont partis après avoir salopé de leur covid le vieux port.
Mais le covid-19 est surtout la fête de la conspiration
Et au milieu de ce marasme politico-sanitaire, les réseaux sociaux, Facebook en tête, crachotent chaque jour leurs théories du complot. Entre les explications à propos d’une 5G propagatrice de virus – créé par Bill Gates, et les assertions et autres preuves que le masque serait un test du Gouvernement pour voir notre capacité d’obéissance, le Français est aux prises avec une autre maladie : la bêtise.
Et ici, les montages en images font office de masques de la vérité, le gel hydroalcoolique semble être directement bu et personne ne prend ses distances avec les sites d’infox. Pas de zone d’alerte maximale, pas de carte avec un rouge très rouge, aucun test remboursé par la sécu.
Vous êtes priés de vous débrouiller avec la vérité, comme avec vos transports et votre patron : chacun pour soi, et Didier Raoult pour tous.
Sources :
[1] Futura Santé – Coronavirus : les différents scénarios pour la suite de la pandémie
[2] La Provence – Marseille : Samia Ghali réclame la création d’un conseil scientifique départemental