La pratique du remake dans le jeu vidéo s’est généralisée depuis l’apparition de la huitième génération de consoles de salon en 2013. Souvent pointée du doigt par les joueurs, elle est perçue comme une solution de facilité pour vendre facilement. Qu’est-ce qui caractérise cette mode ? Quels sont ses enjeux ? Doit-on se réjouir des remakes à venir sur nos futures consoles de salon ? Tentative de réponse dans cet article.
Quelle est la différence entre remake, remaster, reboot et portage ?
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est intéressant de s’attarder sur les définitions de chaque terme. En effet, un jeu vidéo peut être réédité sur une nouvelle console (ou PC) de différentes manières. Le remake concerne la refonte et le remodelage complet d’un jeu. D’importantes modifications (ajout de séquences, évolution du gameplay, etc.) peuvent être apportées pour changer considérablement l’expérience de jeu. Le remaster est l’adaptation d’un jeu sur une console plus récente. Il bénéficie généralement d’un lifting au niveau des graphismes mais reste a priori identique dans le contenu, même si quelques nouveaux éléments peuvent parfois être ajoutés. Le reboot traduit un processus de développement qui repart de zéro. Il s’agit du « redémarrage » d’une licence ou d’une série en prenant en compte les personnages ou l’ambiance générale, pour un jeu vidéo qui se veut totalement nouveau. Enfin, le portage correspond simplement à l’adaptation d’un jeu sur une nouvelle plateforme, sans qu’il ne soit modifié. Le jeu existait tel quel auparavant et paraît maintenant sur une autre console.
Quel est l’intérêt de faire un remake ?
De nouvelles perspectives de développement pour les créateurs
Durant de longues années, les caractéristiques d’un jeu vidéo dépendaient grandement des performances de la machine sur lequel il tournait. Travailler sur le graphisme, le gameplay, le level desing et tout autre élément qui font aujourd’hui la force et le caractère d’un bon jeu n’était pas une mince affaire pour les développeurs. Cela les obligeait à dompter les limites techniques des machines afin d’arriver à leur but et proposer une expérience haletante. Aujourd’hui, l’adaptation d’un jeu sur un nouveau support est grandement facilitée et de nouvelles opportunités apparaissent. Certes, les spécificités des consoles actuelles sont bien présentes, mais profiter des avancées technologiques (code, prise en main, puissance, etc.) pour proposer un jeu vidéo digne de ce nom est plus facile. Tout cela évolue sans cesse dans le jeu vidéo, ce qui ouvre de nouvelles perspectives de création aux créateurs.
Une possibilité de proposer un jeu plus complet et profond
L’évolution constante des technologies permet en outre aux développeurs de proposer des remakes plus profonds. Si jouer sur la nostalgie des joueurs est évidemment d’actualité, remodeler complètement un jeu sans perdre ce qui faisait son charme d’antan est désormais possible. Réaliser un remake est une façon comme une autre de pouvoir faire évoluer l’univers imaginé à la base par les créateurs. Exit les restrictions de modélisation (de personnages, d’objets, de paysages, etc.) et les limites techniques, et bonjour à l’innovation. Une innovation évidemment calquée sur ce qui a fait le succès d’un jeu, mais qui permet d’exprimer plus en profondeur une atmosphère caractéristique. Le nouveau public n’aura pas à toucher à des « vieux jeux moches » ou « injouables », et découvrira l’essence même d’une licence à travers un jeu presque entièrement nouveau.
Pour surfer sur la vague du rétrogaming
Proposer la refonte d’un jeu sorti il y a maintenant quelques années, c’est aussi pour coller au succès grandissant du rétrogaming, cette activité qui consiste à jouer à des jeux vidéo anciens ou à les collectionner. Ces derniers temps, le rétrogaming est devenu de plus en plus populaire. Une véritable madeleine de Proust pour la génération des 30-40 ans. De nombreux événements ou salles dédiées à cette pratique voient le jour et jouent grandement sur la nostalgie provoquée par les vieux jeux vidéo. Le rétrogaming représente une niche à succès. Il n’y a qu’à s’attarder sur le triomphe actuel des émulateurs et des ROM’s (ce système permettant de rejouer à d’anciens jeux de manière peu légale sur ordinateur). Les constructeurs ont dorénavant compris l’importance de proposer leurs pépites aux générations actuelles. A eux d’offrir (légalement) un peu de nostalgie rétro à leurs fans.
A qui s’adresse un remake ou un reboot ?
Un bonheur pour les joueurs qui ont grandi avec le jeu vidéo
Les remakes et autres remasters de jeux vidéo sont légions sur les consoles actuelles. Ce sera sans doute également le cas pour la next-gen (sur PlayStation 5 et Xbox Series X, pour ne citer qu’elles). Récemment, les sorties d’anciennes consoles en format mini (Nintendo Super NES, Sony PlayStation Classic, etc.) ont également eu un succès retentissant. Impossible de ne pas voir ce qui saute aux yeux : l’industrie vidéoludique nous sert un véritable marketing de la nostalgie. La génération des années 80 ou 90 a aujourd’hui 30 ou 40 ans et a grandi avec certaines consoles ou certains jeux. Aujourd’hui, ils ont de l’argent sur leur compte en banque et compte bien le dépenser. Quoi de mieux pour les créateurs que de puiser dans les vieilles recettes et de remettre aux goûts du jour les succès d’avant ?
Une manière de faire découvrir des jeux cultes à la nouvelle génération
Le but d’un remake, dans le jeu vidéo ou ailleurs, est de proposer une version modernisée d’un titre déjà paru. Ce processus implique de dépoussiérer une licence ou un opus spécifique afin de la faire découvrir à un nouveau public. En oubliant les barrières graphiques et techniques de l’époque, une adaptation peut restituer l’essence même d’un jeu à la génération actuelle. Celle-ci peut alors mieux comprendre l’importance d’un titre dans la culture vidéoludique. Bien entendu, la remasterisation d’un jeu ou son portage ne peuvent pas se targuer d’avoir les mêmes ambitions, ce qui pose la question des limites de cette pratique.
Quelles limites à la réédition d’un jeu sur une nouvelle plateforme ?
Les créateurs de jeux vidéo qui conçoivent des remakes, des remasters, des reboots ou des portages se heurtent néanmoins aux gamers sur un point : ils y voient une issue facile pour se faire de l’argent sans proposer de grandes nouveautés. Les développeurs en manque d’inspiration ou charmés par le marché fructueux de la nostalgie semblent en effet multiplier les remakes ces dernières années. De nombreux joueurs pestent contre l’absence de prise de risques pour offrir des jeux innovants. De là à penser que l’on se tourne de plus en plus vers une industrie vidéoludique qui a le regard figé vers le passé, il n’y a qu’un pas.
Si faire un remake est donc souvent perçu comme une manœuvre commerciale peu risquée, il serait cependant trop facile de dire que cette prise de risque équivaut à zéro. En effet, en adaptant une œuvre originale, le moindre changement opéré (variation d’angle de caméra, création de sauvegarde automatique, etc.) peut être vu comme une forme de trahison par les fans de la première heure. En règle générale, ces transformations résultent pourtant d’une intention honnête, afin d’améliorer l’expérience de jeu. Une modification dont le but est de sacrifier un aspect contraignant du titre de base, du moins pour les nouveaux joueurs, est après tout aussi une prise de risque.
Ainsi, le champ d’action relatif à un remake ou à un reboot est en réalité vaste. Il peut s’avérer dangereux de devoir choisir entre l’envie de proposer du nouveau et de satisfaire un fan service notoire. La simple démarche de restauration graphique n’est pas tout, et reconstruire de toute pièce avec des moyens et une vision moderne les éléments d’un jeu peut parfois nous amener à nous questionner sur l’œuvre de base. Peut-on tout se permettre dans ce cadre ? Il est clair que non. C’est pourquoi de nombreux éditeurs restent encore flous sur les frontières entre un vieil opus et son adaptation récente. La confusion est parfois volontairement entretenue dans le cadre de stratégies de vente : les « versions remasterisées », « éditions HD » ou autres « portages améliorés » n’ont pas fini de voir le jour.
L’intérêt commercial est sans aucun doute prépondérant lorsqu’un éditeur décide de réaliser un remake. En jouant sur la corde sensible de la nostalgie, difficile de ne pas se faire avoir lorsqu’on admire les bons jeux vidéo. Néanmoins, il serait trop beau de penser que le remake n’est qu’un exercice de copie d’une œuvre existante. Il ne s’impose pas comme la solution de facilité pour vendre des tonnes de jeux, puisqu’il s’agit également d’un processus créatif. C’est une méthode délicate qui consiste à proposer une nouvelle vision d’un travail, à combler un fossé technique et culturel avec le titre original.
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